13/11/15

Contrecœur Ah ! ça ira.

Je ressens un fort sentiment de négativisme ambiant qui pèse sur moi, tel que décrit dans Contrecœur : des clients insatisfaits, des impôts élevés, des contraintes administratives et ses frustrations quotidiennes contribuent grandement à cette étrange situation. Cependant, je suis reconnaissant d'être entouré de personnes exceptionnelles qui me soutiennent et m'aident à avancer malgré tout.

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Ah ! ça ira...

Aujourd’hui, le ciel est clair, les feuilles sont couleur éclair, j’ai rangé mon linge, pris ma douche, fait quelques lancers de baseball avec des cailloux de 150g à mes chiens. Une bonne journée qui commence en somme vous dites-vous ? Eh bien non. Détrompez-vous bien. C’est bel et bien une journée où t’as envie d’aller chier gratuitement sur les murs de ton voisin, mettre le feu aux vêtements de la caissière chez Lidl, ou encore d’agresser violemment ce pauvre papy qui fait sa ballade dans la rue. Détruire de l’innocence, martyriser la tranquillité, se permettre de violer la paix d’autrui mais sans raison. Car que ce soit le jour de ton anniversaire ou quand ton grand père décède ; personne n’en a rien à foutre de personne, et ça on te le fait comprendre en te l’enfonçant bien profond autant que faire se peut et le plus possible. À un point où ça en devient une discipline que certains maîtrisent avec excellence dans leur quotidien, et que cela en est devenu aussi courant et admis que le racisme environnant sur les réseaux sociaux.

Ces derniers mois, m’approcher de mon ordinateur et démarrer ma suite Adobe relevait d’une ectomie anale. Plus aucun modjo, juste l’envie de distribuer des patates sans raison dans les murs ou les gens que j’aime bien. Submergé par un négativisme ambiant, l’envie de se faire saigner les mains sur fond de Marseillaise - tu relèves tes mails, remarques la relance des impôts de cette somme trimestrielle qui dépasse le PIB de l’Ouganda, la relance de ton client qui n’a pas encore signé de bon de commande mais qui exige tout de même que sa commande soit terminée avant. Oh tiens ! Mon organisme social réclame encore mes cotisations que je ne peux pas toucher quand j’en ai besoin. Ça alors, ce client m’envoie son service juridique ! Aurait-on mal fait quelque chose ? Sûrement ont-ils un besoin de passer le temps une fois de plus. Il est désormais midi, tu fermes ta boite mail et tu ne veux ni repas, ni pause, car tu es dégoûté de la société, de l’économie, de l’humain et pire encore de l’individu.

Alors que je m’apprêtais à faire une fois de plus des choses constructives pour moi, pour Overblitz… des clients, des collaborateurs, des anciens patrons, des institutions, mon inspecteur des impôts ou bien mon banquier viennent de s’unir avec un seul objectif : me dégueuler à la tronche leur mal-être et leurs frustrantes incapacités du moment, sans raison valable, pour passer leur temps et leurs nerfs. L’art de créer des problèmes pour dire qu’il existe des solutions… Se sentir quelqu’un ou quelque chose. S’enivrer d’une forme de pouvoir. C’est beau le partage. C’est beau de partager toute cette haine. C’est encore plus beau quand c’est ton quotidien, de jour en jour plus proche de l’atroce point de non-retour. Merci pour tout, mais allez tous vous faire foutre !

Cela fait maintenant depuis le 6 juin 2012 que je vis tant bien que mal de mes créations. Slalomant entre les emmerdes de ‪#‎mrtoutlemonde‬ et les choses risibles de la vie, jonglant entre activités d’Auteur, de Directeur Artistique et de Musicien. J’habite dans une grande maison, j’ai 28 ans, mon proprio travaille à Dubai, j’aime bien le tofu fumé et déteste bien trop la forme de mon triceps droit. Bordel ! « Le monde ne tourne vraiment plus rond ou quoi ? » — Je viens de me surprendre à écrire ça. À voir comment le système s’effondre, voir le problème parce que tu le vis faute de choix. Connaître les solutions, mais ne pas être assez puissant pour les appliquer, je me sens seul ; seul parmi les autres.

Je vis tout de même avec des gens formidables au jour le jour, qui m’aident et me permettent d’avancer en m’entourant et en me rassurant. C’est beau, ne voyons pas la catastrophe partout. L’espace d’un moment, au coin du feu et en excluant toute dérives sexuelles sur ce tapis imitation peau de bête morte bon marché… Là, tu as envie de construire des choses avec eux. Tu as envie de t’inscrire dans le système pour l’aider égoïstement tout en restant discordant dans une certaine apparence. Car non je ne suis pas divergeant ! J’achète Éco+, je paye ma taxe d’habitation et porte des vêtements plus ou moins de marque. Je suis dans ce moule que notre civilisation a créé pour nous contenir, mais au secours ça déborde !

Dans ce faux semblant d’harmonie nous avons décidé de poser Overblitz. Pascal et moi-même avions vu les choses de façon généreuse et pragmatique. Trop peut-être, mais avec une idée en tête : rendre service en créant de belles choses par nos méthodes. Cette sorte de volonté de laisser un éclat dans le marbre déjà fissuré de notre scissiparité, acheté au rabais chez un carriériste Cousolrezien. Les rêves, nous ne voulions pas les garder uniquement dans nos yeux pétillants, nous voulions les partager et les faire vivre aux autres du mieux que nous le pouvions. Nous étions beaux et bien-pensants, nous étions jeunes et naïfs. Merci pour le rappel à l’ordre.

Nous avons toujours essayé entre collègues de ne pas nous tirer dans les pattes. Il y a eu des hauts et des bas évidemment, nous restons des êtres humains. Nous avons toujours essayé d’avancer le plus éthiquement possible, nous ! Toujours rentre-dedans, souvent autistes, mais sympathiques, originaux et efficaces. Nous avons toujours été avenants à aider les projets des gens quitte à parfois y mettre de notre propre poche. Oui, nous étions affables et généreux. C’est sans surprise que je vous annonce que les plus Harpagon, ceux à qui nous avons beaucoup offert, sont les plus connards, abrutis, incapables et nuisibles de tous. J’ai souvent regretté d’être en leur compagnie, une fois le miteux voile de la séduction brûlé par l’accoutumance des jours.

Tous ces projets que nous avons réalisés pour nos clients, furent l’espace d’un temps comme les nôtres. C’est pourquoi nous n’avons jamais été même tentés de bâcler, négliger, ruiner, expédier… Quitte à nous y engager financièrement, matériellement et surtout émotionnellement. Mais une fois de plus la réalité s’est tenue au-dessus de nous, persistante telle Damoclès. Comme le dit l’expression populaire : « Plus t'es sympa plus tu t’fais niquer la gueule ». Trois années intenses de sacrifices journaliers au détriment de nos envies, nos passions et notre santé, physique ou morale ; nous pourrions en écrire toute une méthode et vous montrer la tronche de notre trou d’balle devenu suffisamment large pour y faire passer la Cloud Gate d’Anish Kapoor sans lubrifiant. Bukowski nous avait mis en garde en disant « trouve ce que tu aimes et laisse-le te tuer ». C’est fait, merci mec !

J’en ai marre de faire bonne figure et me faire ruiner en réunion de création en ravalant ma bile. J’en ai marre de bosser avec des personnes qui prétendent mieux connaître que moi ma manière de travailler, ou être capables de prédire mon temps d’exécution à ma place. J’en ai marre de devoir brader mes travaux pour subsister, et cela sans même un remerciement ou un simple geste de reconnaissance. J’en ai marre de toujours devoir faire plus et le meilleur possible avec moins de budget, bosser plus longtemps pour moins cher. J’en ai marre d’avoir à justifier que mon métier est un vrai métier. J’en ai marre d’être accablé quand mes clients ne comprennent pas que je ne travaille pas le dimanche, et que les réunions chez moi après minuit ne m’arrangent pas. J’en ai marre d’être sur le point de finir un projet et de me faire couper court par lenteur et manque d’assiduité de l’autre partie. J’en ai marre, j’en ai marre, j’en ai marre.

On parle de respect, de civilité, de professionnalisme, de politesse. Ce ne sont pas que des termes pour agrémenter des phrases, ces mots se rapportent réellement à des notions mesdames et messieurs. On ne peut exiger des autres de les appliquer sans en saisir le sens soi-même, ni l’appliquer. À quoi bon poursuivre du regard la gangrène qui se propage ? Ressentir une sorte de culpabilité pour de calomnieux connards ? Non merci, j’en ai désormais trop donné et je n’arrive plus à me sentir intègre et intrinsèquement moi-même. Je suis rongé un peu plus de jour en jour, d’heure en heure par un désespoir concernant l’humanité et son devenir. Pire encore en y songeant, sur l’individu et ses constructions posées sur des fondations négativistes, enclines aux problèmes et aux évictions des autres. Sauf que sans les autres vous n’êtes rien, seulement une image de vous-même, un concept équivalent à un urinoir maladroitement posé, un trouble-fête couleur merde.

D’abord, j’aurais été soulagé de vormir ma haine en citant un à un des noms comme pour faire tomber des têtes. Mais à quoi bon rentrer dans un jeu unilatéral que je décris plus ou moins ici comme maladie, l’incommodité de nos relations, le chancre de ce pamphlet. Je peux cependant généraliser la chose et supputer au terme de nos projets : moins de 10% d’entre eux ne nous ont pas détruit le moral, gâché des nuits entières ou encore plombé l’ambiance hors bureau. Oui nous avons un cœur, une âme et même un cerveau, et ces choses-là nous touchent, nous agressent, nous angoissent. Que ce soit par égoïsme ou par culpabilité, à faire un procès en quête du coupable et de l’innocent, nous nous sommes toujours remis en question, sans trop arriver à quelque chose de satisfaisant. Nous ne sommes pas assouvis en recevant un courriel de menaces, un appel d’un avocat pour un problème inexistant jusqu’alors. Nous voulons faire ce pour quoi nous sommes engagés et ne pas devoir perdre notre temps à régler des conflits que nous ne provoquons pas, ou être ennuyés, agressés du simple fait que nous avons été contractualisés et que nous honorons les termes dudit contrat.

Cette fois-ci fut la fois de trop, le vase à débordé, en se renversant et en se brisant en mille morceaux. Ceux qui me connaissent savent bien que je vais recoller les morceaux jusqu’au dernier. Mais la différence réside dans la finalité esthétique, le fait que ce n’est jamais parfaitement bien collé, on voit les marques comme des cicatrices atemporelles. J’annonce donc officiellement stopper court mes activités au sein d’Overblitz pour une durée déterminée. Ce choix est mûrement réfléchi, ce n’est pas un coup de tête. Nous, Pascal et moi, allons muter le collectif et revenir à nos activités de base en mode marche ou crève. Je vais commencer de nouvelles activités où je ne rencontrerai pas ces corrosives complications. Mettre en place une nouvelle vie à l’aube de ma trentième année. Je vis pour créer des choses où je me retrouve, je déteste les situations de conflits, et je veux que les choses avancent de façon efficace et amusante si possible, sinon à quoi bon. Ah ! ça ira…

JONATHAN NAAS


LE SÉCHOIR
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